L'ibis combattant (/3/2011)

Longrich N.R and Olson S.L., 2011. The bizarre wing of the Jamaican flightless ibis Xenicibis xympithecus: a unique vertebrate adaptation. Proceedings of the Royal Society B

Il y a environ 10 000 ans, vivait en Jamaïque un ibis incapable de voler mais qui n'était pas "manchot" pour autant. Xenibicis xympithecus utilisait en effet ses ailes pour se défendre ou se battre contre ses congénères. Dans les environnements insulaires, il n'est pas rare que les oiseaux perdent la capacité de voler, car ces milieux sont en général exempt de prédateurs pour eux. Leurs ailes et leur ceinture pectorale sont par conséquent réduites. Ce n'était pas le cas pour Xenibicis qui avait conservé des bras assez développés. La morphologie de l'appareil buccal et les fragments de proie impliquent que Baculites se nourrissait de plancton; ces ammonites n'auraient d'ailleurs pas été capables de dépecer et d'ingérer des proies plus importantes.

Radula et restes du dernier repas d`une Baculites

Reconstruction d'une partie de l'appareil buccal de Baculites (spécimen AMNH 66253); la radula est en jaune, le fragment d'isopode en bleu, et la coquille larvaire de gastéropode en mauve (Figure issue de Kruta et al., 2011)

Leur diversification peut ainsi être corrélée à celle du plancton au cours du Jurassique inférieur. De même, lorsque ce dernier fut sévèrement touché lors de la crise Crétacé-Tertiaire, les ammonites se sont éteintes. Le fait que toutes les ammonites aient disparu il y a 65 Ma, y compris les carnivores, alors que les nautiles qui avaient un mode de vie semblable ont survécu, n'est pas encore compris. Il est possible que les larves d'ammonites étant plus petites que celles de nautiles, elles dépendaient plus du plancton lors des premiers stades de vie. Le déclin abrupt du plancton les aurait ainsi plus durement touchées, éradiquant le groupe.

Les plus vieux embryons de dinosaures (27/1/2011)

Reisz R.R., Evans D.C., Sues H.-S. and Scott D., 2010. Embryonic skeletal anatomy of the sauropodomorph dinosaur Massospondylus from the Lower Jurassic of South Africa. Journal of Vertebrate Paleontology 30(6): 1653-1665

En 1976, James W. Kitching collecte en Afrique du Sud dans des roches du Jurassique inférieur (190 Ma) un bloc contenant 10 oeufs, dont plus de la moitié sont intacts. Ceux-ci contenaient les squelettes d'embryons d'un sauropodomorphe du nom de Massospondylus. Ce sont les plus anciens embryons de vertébrés terrestres connus à ce jour. En préparant ce nid de manière plus minutieuse, les paléontologues ont découvert 2 squelettes presque complets d'embryons; les autres oeufs sont trop incomplets ou avaient déjà éclos. Des traces des membranes entourant les embryons ont pu être mises en évidence. L'anneau sclérotique est parfaitement préservé, tandis que les dents sont absentes. Au vu de la taille et de l'ossification des embryons, ceux-ci étaient à un stade proche de l'éclosion. De nombreux fragments de coquille ont été découverts durant la préparation, suggérant que un des oeufs au moins avait déjà éclos. La tête des bébés était proportionnellement large, typique de l'effet mignon. Les pattes antérieures des jeunes Massospondylus étaient longues, proportionnellement plus que chez l'adulte; les paléontologues en concluent que les jeunes étaient quadrupèdes, tandis que les adultes étaient bipèdes.

Un des embryons du sauropode Massospondylus

Embryon de Massospondylus carinatus. Les zones blanchâtres représentent la coquille. Spécimen BP/1/5347A-1 (Figure issue de Reisz et al., 2010)


Des êtres multicellulaires vieux de 2,1 milliards d'années (28/10/2010)

El Albani A., Bengston S., Canfield D.E., Bekker A., Macchiarelli R., Mazurier A., Hammarlund E.U., Boulvais P., Dupuy J.-J., Fontaine C., Fürsich F.T., Gauthier-Lafaye F., Janvier P., Javaux E., Ossa Ossa F., Pierson-Wickmann A.-C., Riboulleau A., Sardini P., Vachard D., Whitehouse M. and Meunier A., 2010. Large colonial organisms with coordinated growth in oxygenated environments 2.1 Gyr ago. Nature 466: 100-104

On estime que la vie est apparue sur Terre il y a 3,4 milliards d'années, mais elle s'est longtemps cantonnée à des formes unicellulaires. Les Eucaryotes ne seraient apparus qu'un milliard d'années plus tard, et on pensait qu'ils n'auraient formé des organismes pluricellulaires qu'il y a 600 Ma seulement. Or des fossiles datant de 2,1 milliards d'années ont été découverts au Gabon, et selon les chercheurs ils seraient les plus anciennes traces d'êtres multicellulaires; la multicellularité prend un coup de vieux de 1,5 milliard d'années ! Ces fossiles, au nombre de 250, mesurent entre 1 et 12 cm de long pour moins d'1 cm d'épaisseur, et ressemblent à des galettes ou des losanges, aux bords plissés et lobés. Ils sont interprétés comme étant des organismes coloniaux hautement organisés, avec une signalisation de cellule à cellule et des réponses coordonnées. Les analyses géochimiques suggèrent que les sédiments se sont déposés dans une colonne d'eau oxygénée. Le milieu correspond à la zone marine d'un delta, d'environ 20 à 30 mètres de profondeur, calme mais soumise à l'action des marées et des tempêtes.

Les isotopes de carbone et de soufre indiquent que les objets découverts par El Albani et al. sont bien d'origine biologique, et qu'ils ont été pyritisés lors de leur fossilisation. Un nodule de pyrite, formé plus tard, est présent au centre des spécimens les plus grands. Bien que des colonies de cyanobactéries puissent aussi former des structures similaires à ces fossiles, atteignant également des tailles de 15 cm, les auteurs privilégient l'hypothèse d'un organisme eucaryotique pluricellulaire. En effet les structures bactériennes ne sont pas tout à fait organisée de la même manière et sont inconnues dans le registre fossile. De plus, des traces de stérane, signalant une présence eucaryote, ont été détectées dans les roches. Il faudra cependant mener des études approfondies sur ces stéranes, car ils peuvent migrer dans des roches plus anciennes et auraient pu contaminer les échantillons de la faune gabonaise.

Exemplaire d`un fossile du Gabon de 2,1 milliards d`années

Un exemplaire des fossiles découverts au Gabon, et qui a été passé au microtomographe à rayons X; a) photo du fossile, b) rendu du volume en semi-transparence, c) section transverse, d) section longitudinale au milieu du spécimen. Les échelles sont de 5 mm (Figure issue de El Albani et al., 2010)

Les fossiles du Gabon sont plus jeune de 200 Ma que l'augmentation significative du taux d'oxygène dans l'atmosphère (le "Great Oxidation Event") il y a 2,45-2,32 milliards d'années. Cet évènement est dû au fait que l'oxygène, produit par la photosynthèse, n'était plus capté par la matière organique et le fer dissous, qui étaient alors saturés; l'O2 en excès a donc commencé à enrichir l'atmosphère, provoquant un bouleversement environnemental sans précédent. Les êtres multicellulaires sont plus grands que les unicellulaires, mais ils nécessitent en contrepartie des niveaux plus élevés en oxygène pour ceux qui pratiquent la respiration aérobie. Ce serait donc le Great Oxidation Event qui a permis l'apparition des Eucaryotes et de la multicellularité. C'est un événement similaire qui a mené à l'explosion cambrienne il y a 600 Ma. Dans les deux cas, le schéma est le suivant : après une période glaciaire, le climat se réchauffe enfin, le taux d'oxygène présent dans l'atmosphère augmente, et il est suivi de bouleversements écologiques, d'innovations, avant que le taux d'oxygène ne chute à nouveau. Le passage à la multicellularité est une étape importante dans l'évolution de la vie sur notre planète, et on estime qu'il s'est produit plus d'une dizaine de fois, dans des groupes variés. On pense que cette étape a pu arriver aussi souvent car la machinerie moléculaire nécessaire à la coordination cellulaire est un aspect partagé par tous les organismes vivants. Les fossiles découverts au Gabon serait une des premières formes basiques de multicellularité.

Petits vidéos montrant quelques-uns des fossiles passés au microtomographe; la structure interne est visible en transparence.


Torosaurus était un vieux Tricératops (19/9/2010)

Scannella J.B. and Horner J.R., 2010. Torosaurus Marsh, 1891, is Triceratops Marsh, 1889 (Ceratopsidae: Chasmosaurinae): Synonymy through ontogeny. Journal of Vertebrate Paleontology 30(4): 1157-1168

Des paléontologues américains ont mis en évidence le fait que 2 genres de dinosaures que l'on pensait bien distincts sont en réalité le même animal à des âges différents. Scannella et Horner se sont penchés sur les collections de crânes appartenant au célèbre Triceratops et au Torosaurus. En étudiant les spécimens, plus d'une trentaine, qui appartenaient visiblement à des individus représentant diverses catégories d'âge, ils se sont rendus compte que Triceratops est en fait un jeune 'Torosaurus' ! Ce dernier possède en effet comme seule différence par rapport à Triceratops une collerette aux larges fenestrations. Les changements majeurs de morphologie (ouverture des fenêtres pariétales et allongements du squamosal) se produisaient rapidement et assez tard dans l'ontogénie de Triceratops, menant à la morphologie caractéristique de 'Torosaurus'. Bien que Triceratops soit toujours présenté avec une collerette courte et épaisse, certaines régions de celle-ci devenaient plus fines lorsque l'animal vieillissait, en même temps qu'elle s'allongeait, menant aux fenestrations typiques des autres Chasmosaurinae. La résorption se déroulait à la fois sur les faces dorsale et ventrale, et l'os pariétal montre de nombreux signes de remodelage. L'examen des tissus osseux concorde avec cette hypothèse. En rangeant les crânes dans un ordre allant du plus jeune au plus vieux, la transition apparaît clairement grâce aux formes intermédiaires.

Ontogénie du crâne chez Triceratops

Illustration des changements survenant à la collerette de Triceratops , particulièrement concernant l'allongement du squamosal, depuis le stade nouveau-né (A) jusqu'au stade adulte (J et K sont des 'Torosaurus') (Figure issue de Scannella & Horner, 2010)

Ces animaux ont été découverts dans des provinces proches et des sédiments du même âge. Fait troublant, les seuls crânes de 'Torosaurus' connus étaient rares et représentaient des individus matures. Nous savons désormais que les jeunes étaient en réalité bien présents : c'est la cohorte de spécimens de Triceratops connus depuis le stade nouveau-né jusqu'à celui qu'on pensait adulte. Cela démontre, une fois encore, que les jeunes dinosaures n'étaient pas simplement une réplique en miniature des adultes; leur crâne changeait radicallement lors de la maturation comme cela a déjà été montré chez les Pachycephalosauridae et les Tyrannosauridae. Et même chez des individus ayant presque atteint le stade adulte, des changements importants pouvaient encore se manifester. Scannella & Horner supposent que l'ornementation crânienne servait à la communication intraspécifique. Le fait que la majorité des crânes de Triceratops récoltés appartenaient à des individus pas tout à fait matures suggère que soit la mortalité était élevée avant que la maturité complète soit atteinte, soit que les adultes vivaient dans un autre environnement que les immatures.

Puisque Triceratops a été décrit avant Torosaurus, c'est le nom du premier qui est conservé, ou autrement dit on considère que c'est 'Torosaurus' qui est le synonyme de Triceratops.

 

(© Michael Skrepnick)


 

Anchiornis, un dinosaure à plumes précédant Archaeopteryx (29/10/2009)

Hu D., Hou L., Zhang L. and Xu X., 2009. A pre-Archaeopteryx troodontid theropod from China with long feathers on the metatarsus. Nature 461: 640-643

Décrit dans Nature, un nouveau spécimen d'Anchiornis huxleyi fait grand bruit parmi les paléontologues. Issu de la Province du Liaoning, il est recouvert de longues plumes, comme nombre de théropodes retrouvés dans les gisements chinois. Sa première particularité est son âge : il date de 155 Ma (Jurassique supérieur), càd qu'il est plus ancien de 25 à 35 Ma que les autres théropodes à plumes du Liaoning. Et il est aussi plus ancien que le célèbre Archaeopteryx (de 5 à 10 Ma). La deuxième est la répartition des plumes sur son corps : non content d'en porter sur les bras et la queue, ce troodontide en a aussi sur les pattes postérieures et les pieds, à l'instar du dromaeosauridé Microraptor et de Pedopenna. Ce qu'on prenait pour une particularité, une "expérience" dans l'évolution du vol chez les ancêtres des oiseaux, s'avère donc une étape en elle-même; le vol serait passé par un stage impliquant 4 ailes, avant de se restreindre aux membres antérieurs par la suite. Anchiornis avait de longs bras robustes, et de longues jambes comme chez les animaux coureurs, mais ses longues plumes semblent difficilement compatibles avec cette hypothèse. De plus ces plumes sont organisées en surface plane, ce qui suggère bien une fonction aérodynamique. Les paléontologues devront tenir compte de ces fossiles pour réviser le scénario de l'apparition du vol chez les oiseaux. blabla

 Anchiornis huxleyi  Arbre phylogénétique des troodontidés, dromaeosauridés et oiseaux
Anchiornis huxleyi, on voit clairement les impressions des plumes autour du corps. Spécimen LPM-B00169 (Photo issue de Hu et al., 2009) Arbre représentant la position d'Anchiornis huxleyi, Microraptor, Pedopenna et Archaeopteryx parmi les troodontidés, les dromaeosauridés et les oiseaux. (Photo issue de Witmer, 2009 (Nature))


 




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