L'homéothermie chez les reptiles marins du Mésozoïque (8/8/2010)

Bernard A., Lécuyer C., Vincent P., Amiot R., Bardet N., Buffetaut E., Cuny G., Fourel F., Martineau F., Mazin J.-M. and Prieur A., 2010. Regulation of body temperature by some Mesozoic marine reptiles. Science 328: 1379-1382

Alors que les dinosaures régnaient sur Terre, il y a 251 à 65 Ma, les mers et océans étaient le domaine des plésiosaures, ichthyosaures et mosasaures. Ces grands prédateurs se nourrissaient de mollusques dont les calmars, de poissons et d'autres vertébrés aquatiques. On supposait que ces grands reptiles étaient homéothermes (à température corporelle constante), sur base d'études histologiques et du mode de vie qu'ils devaient mener. On avait également observé une croissance très rapide chez les ichthyosaures du Jurassique, preuve supplémentaire d'un métabolisme endotherme. Ces suppositions sont maintenant étayées par des études portant sur les isotopes d'oxygène extraits des dents de ces animaux. Le rapport 18O/16O dépend à la fois de la température corporelle et de la composition de l'eau ingérée. Bernard et al. ont comparé les valeurs de l'isotope chez les spécimens fossiles avec celles de poissons contemporains, qui sont poïkilothermes. Chez les poissons, le rapport révèle la température de l'eau dans laquelle ils vivent; les différences entre les poissons et les reptiles marins reflétant différentes températures corporelles. Les mesures font cependant face à plusieurs biais possibles : variations de précipitations et évaporation de l'océan, apports d'eau douce via les fleuves, écologies différentes (migrations, vie à des profondeurs différentes, différence entre respiration branchiale et pulmonée), et désintégration au fil du temps de l'isotope. Ces biais n'affectent cependant pas les conclusions des paléontologues.

Quelques exemples de reptiles marins du Mésozoque

Illustration des 3 groupes de reptiles marins de l'ère Secondaire (Figure issue de Motani, 2010, Nature)

Bernard et al. montrent que les reptiles marins du Mésozoïque étaient capables de maintenir une température constante et élevée, même dans des environnements froids. Les ichthyosaures et plésiosaures étaient des endothermes (capables de générer leur propre "chaleur") ayant une température interne d'environ 35°C. Les mosasaures avaient un métabolisme plus lent et plus variable, ce qui correspond à leur mode de vie, et une température corporelle de 39°C. Ces derniers étaient des chasseurs à l'affût, contrairement aux 2 autres groupes qui étaient des nageurs rapides, poursuivant activement leurs proies sur de longues périodes. Ces températures de 35-39°C correspondent à celles de cétacés actuels et suggèrent un métabolisme élevé. L'endothermie est apparue de nombreuses fois dans le règne vivant, et s'observe bien sûr chez les oiseaux et les mammifères, mais aussi chez certains requins, thons, insectes (comme les bourdons) et même chez les fleurs. On la soupçonne également chez les dinosaures et les ptérosaures, et peut-être chez les ancêtres des crocodiliens (pourvus d'un coeur à 4 chambres). Cette génération de chaleur se fait par la musculature ou via les organes digestifs en "brûlant" la nourriture. L'homéothermie permet de maintenir une activité musculaire constante de manière efficace.

En conclusion, les ichthyosaures et les plésiosaures étaient des homéothermes capables de réguleur leur température corporelle indépendamment de celle de l'eau environnante. Les mosasaures étaient partiellement homéothermes, peut-être gigantothermes, et on ne peut exclure que leur température était influencée par leur environnement.

 




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