Généralités

Les monotrèmes sont une classe de mammifères assez particulière sur plusieurs points : les femelles pondent des oeufs et allaitent leurs petits bien qu'elles n'aient pas de mammelles, leur ceinture scapulaire est composée de 3 os (la scapula, le coracoïde et l'épicoracoïde), ils possèdent une interclavicule, le bassin est pourvu d'un épipubis (os marsupial), et leurs pattes sont dans un plan parasagittal. L'oreille moyenne est incorporée au crâne, cependant le conduit auditif s'ouvre à la base de la mâchoire. Ce sont les seuls mammifères à conserver un cloaque (comme on en trouve chez les reptiles et les oiseaux). Leur température interne est de 31-32°C seulement (37°C habituellement chez les placentaires).

Les monotrèmes ne comptent plus à l'heure actuelle que 5 espèces : l'ornithorynque, et 4 espèces d'échidnés.

Squelette d`ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus)

Squelette d'un ornithorynque conservé au musée de Melbourne (source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ornithorynque)

Les monotrèmes ont rapidement divergé des autres mammifères (les thériens), juste après la séparation du clade des mammifères de celui des sauropsides (reptiles fossiles et actuels). Les fossiles les plus anciens d'ornithorynque remontent à 110 Ma. Ses ancêtres possédaient encore quelques dents, alors que les ornithorynques actuels sont édentés à l'âge adulte. L'origine de ces animaux pourrait être encore bien plus ancienne, puisque des fossiles ont été découverts en Argentine, et qu'il faut remonter jusqu'à 167 Ma pour réunir l'Amérique du Sud, l'Antarctique et l'Australie en un super-continent : le Gondwana.

L'ornithorynque est un mammifère semi-aquatique dont l'aire de répartition se limite à la Tasmanie et à l'est de l'Australie. Avec son bec semblable à celui d'un canard (mais souple), sa fourrure de loutre, sa queue de castor et ses pieds palmés, les scientifiques du XVIIIème siècle avaient d'abord pris le premier spécimen rapporté pour une chimère, un canular. Les ornithorynques mesurent de 40 à 60 cm de long, et pèsent de 1 à 2,5 kg. Ils vivent à proximité des rivières, et creusent un terrier dans la berge pour y mettre au monde leurs petits. Ils se nourrissent de vers, larves d'insectes, petits crustacés d'eau douce qu'ils capturent dans l'eau et ramènent à terre pour les manger. Sa queue lui sert à stocker de la graisse et à manoeuvrer lorsqu'il nage. Son pelage est composé de deux types de poils différents : une bourre épaisse et dense et des soies rudes et imperméables; cela crée une couche d'air isolante contre sa peau qui lui permet de rester sec et de ne pas perdre sa chaleur lorsqu'il est dans l'eau. Les pattes sont courtes et robustes et, à cause de leurs ceintures particulières, sont placées sur les côtés du corps (un peu comme chez les reptiles). Les mains sont pourvues d'une grande palmure qu'il replie lorsqu'il se déplace sur la terre ferme.


(source : Tom McHugh
http://www.britannica.com/)

L'ornithorynque ferme hermétiquement ses yeux et ses oreilles quand il nage, et doit donc utiliser un système particulier pour capturer ses proies : l'électrolocalisation. L'électrolocalisation est la capacité à localiser les proies en détectant le champ électrique produit par leurs contractions musculaires; cette capacité est uniquement connue chez les Monotrèmes et certains Chondrichtyens (comme les requins). L'ornithorynque possède des électrorécepteurs (champ électrique) et des mécanorécepteurs (toucher) sur son bec caoutchouteux; leur nombre est estimé à 850 000. On pense qu'il est capable de déterminer la direction et la distance de sa proie grâce à ces récepteurs. Il pourrait également utiliser son odorat, puisqu'il possède énormément de gènes dévolus à cette tâche.

L'ornithorynque atteint sa maturité sexuelle vers l'âge de 2 ans. La femelle dispose de deux ovaires, mais seul le gauche est fonctionnel. Après 21 jours d'incubation, elle pond de un à trois oeufs sphériques (plus d'infos sur les oeufs de monotrèmes) dans une tanière creusée dans la berge de la rivière, qu'elle va ensuite couver pendant 10 jours. Les ornithorynques ne possèdent pas de mamelles, et le lait suinte à travers des pores sur le ventre de la femelle et les petits le lèchent ainsi. Les jeunes ne quitteront la tanière pour la première fois que vers l'âge de 4 mois. A ce moment, ils auront perdu leurs molaires à 3 cuspides, qui sont remplacées par des blocs de kératine (matière qui forme nos poils et nos ongles, ainsi que la corne des rhinocéros par exemple).

Femelle ornithorynque allaitant ses petits (source : http://classe07.free.fr/2003_2004/monotremes.htm)

Les ornithorynques mâles portent un ergot venimeux sur leurs pattes postérieures, ces ergots sont reliés à une glande située dans la cuisse : la glande crurale. Ils sont également présents chez les jeunes, mais la glande est alors non-fonctionnelle. L'ornithorynque ne s'en sert que lors des rivalités territoriales entre mâles à la saison des amours, et pour se défendre. Le venin ressemble à celui des reptiles, mais cela est dû à une convergence évolutive. Il est mortel pour les chiens et autres petits animaux; chez les humains, il provoque d'importantes douleurs et oedèmes, voire une paralysie partielle durant quelques jours.

L'ergot d'un ornithorynque adulte mâle (source : http://www.cosmosmagazine.com/)

Le génome et ses particularités chez l'ornithorynque

L'ornithorynque possède 52 chromosomes, dont 10 servent au déterminisme sexuel. Par comparaison, les échidnés mâles ont 63 chromosomes, et les femelles 64 (les mâles ont perdu le très petit Y5, intégré au Y3, mais qui est conservé dans la lignée de l'ornithorynque). Le déterminisme sexuel chez les monotrèmes est donc dû à un set de chromosomes, et non à une paire comme chez tous les autres mammifères et chez les oiseaux. Une femelle ornithorynque est de génotype XXXXXXXXXX, et un mâle XYXYXYXYXY. Cela est dû au fait que les spermatozoïdes sont soit XXXXX, soit YYYYY. Lors de la formation des gamètes (méiose), les chromosomes sexuels forment une chaîne qui assure que chaque spermatozoïde recevra soit tous les X, soit tous les Y.

Les chromosomes sont assez particuliers car ils montrent pour certains (X1, X2, X3, X5 et Y1) une ressemblance avec le chromosome Z des oiseaux, et d'autres avec les chromosomes des mammifères. Il est à noter qu'il existe également des homologies entre ce chromosome Z et certains chromosomes humains. La façon dont le déterminisme sexuel a évolué chez les mammifères et les oiseaux est donc plus récent (moins de 300 Ma) que ce que l'on pensait. Le gène SRY, fondamental dans le déterminisme sexuel chez les thériens et porté par le chromosome Y, est absent du génome de l'ornithorynque. Les chromosomes sexuels des placentaires et le gène SRY ont donc évolué après la divergence entre les monotrèmes et les autres mammifères.

L'ornithorynque partage avec les mammifères 4 gènes associés à la zona pellucida (membrane de glycoprotéines importante lors de la fertilisation de l'ovocyte). Dans le même temps, il partage un gène de vitellogenine (une protéine du jaune d'oeuf) avec la poule.

L'ornithorynque possède 214 gènes liés aux natural killers (une classe particulière de cellules immunitaires). Par comparaison, l'opposum n'en possède que 9, l'humain 15, et le rat 45. Les monotrèmes, comme les marsupiaux, sont aussi caractérisés par un répertoire très variés de gènes codant des peptides anti-microbiaux. Ces défenses immunitaires vastes pourraient servir à protéger leurs petits qui viennent au monde à un stade de développement peu avancé et sont très fragiles.

 

En savoir plus

http://ornithobleu.free.fr/expose/anatomie.htm

www.inrp.fr/biotic/procreat/determin/html/chromsex.htm (sur les déterminismes du sexe et certaines anomalies)

Rens W., O'Brien P.C., Grützner F., Clarke O., Graphodatskaya D., Tsend-Ayush E., Trifonov V.A., Skelton H., Wallis M.C., Johnston S., Veyrunes F., Graves J.A., Ferguson-Smith M.A., 2007. The multiple sex chromosomes of platypus and echidna are not completely identical and several share homology with the avian Z. Genome Biology 8:R243 (http://genomebiology.com/2007/8/11/R243)

Warren W.C., Hillier L.W., Marshall Graves J.A., Birney E., Ponting C.P., Grützner F., Belov K., Miller W., Clarke L., Chinwalla A.T., Yang S.-P., Heger A., Locke D.P., Miethke P., Waters P.D., Veyrunes F., Fulton L., Fulton B., Graves T., Wallis J., Puente X.S., López-Otín C., Ordóñez G.R., Eichler E.E., Chen L., Cheng Z., Deakin J.E., Alsop A., Thompson K., Kirby P., Papenfuss A.T., Wakefield M.J., Olender T., Lancet D., Huttley G.A., Smit A.F.A., Pask A., Temple-Smith P., Batzer M.A., Walker J.A., Konkel M.K., Harris R.S., Whittington C.M., Wong E.S.W., Gemmell N.J., Buschiazzo E., Vargas Jentzsch I.M., Merkel A., Schmitz J., Zemann A., Churakov G., Kriegs J.O., Brosius J., Murchison E.P., Sachidanandam R., Smith C., Hannon G.J., Tsend-Ayush E., McMillan D., Attenborough R., Rens W., Ferguson-Smith M., Lefèvre C.M., Sharp J.A., Nicholas K.R., Ray D.A., Kube M., Reinhardt R., Pringle T.H., Taylor J., Jones R.C., Nixon B., Dacheux J.-L., Niwa H., Sekita Y., Huang X., Stark A., Kheradpour P., Kellis M., Flicek P., Chen Y., Webber C., Hardison R., Nelson J., Hallsworth-Pepin K., Delehaunty K., Markovic C., Minx P., Feng Y., Kremitzki C., Mitreva M., Glasscock J., Wylie T., Wohldmann P., Thiru P., Nhan M.N., Pohl C.S., Smith S.M., Hou S., Nefedov M., de Jong P.J., Renfree M.B., Mardis E.R. and Wilson R.K., 2008. Genome analysis of the platypus reveals unique signatures of evolution. Nature 453: 175-184

 




Créer un site
Créer un site