Un dinosaure venimeux ? Ou pas... (3/1/2010)

Gong E., Martin L.D., Burnham D.A. and Falk A.R., 2010. The birdlike raptor Sinornithosaurus was venomous. PNAS 107(2): 766-768

Sinornithosaurus a été découvert en 1999 dans un formation du Crétacé inférieur de Chine. Il doit sa célébrité à son corps recouvert de plumes, puisqu'il fût parmi les premiers dinosaures retrouvés couverts de ces téguments. Il appartient aux Dromaeosaures, un groupe proche des oiseaux. D'après certains paléontologues, ce dinosaure aurait également comme particularité d'injecter du venin à ses proies ! Ils se sont en effet penchés sur certaines observations faites sur le crâne et les dents de plusieurs spécimens et les auraient comparées aux caractères observés chez certains lézards venimeux. Ils affirment ainsi que Sinornithosaurus possédait une glande à venin logée sur le maxillaire et que le venin s'écoulait par de petits canaux jusqu'à la base des dents maxillaires. Celles-ci portent un sillon qui faciliterait l'écoulement du venin lors de la morsure. Les dents maxillaires sont très longues, et les auteurs les comparent à des crocs. Selon eux, Sinornithosaurus chassait les oiseaux et autres petits animaux, et ses longues dents lui permettaient de passer à travers le plumage pour mordre et injecter le venin. Le venin aurait tué ou provoqué un choc chez la proie, l'empêchant de se débattre et de s'échapper. Le prédateur aurait alors pu tranquillement la plumer avec ses petites dents prémaxillaires avant de la manger.

 Reconstitution du crâne de Sinornithosaurus  Dents de Sinornithosaurus
Reconstitution du crâne de Sinornithosaurus, il mesure environ 7,5 cm de long. vg: sillon à venin; mxf: dents maxillaires; sff: cavité de la poche à venin; fc: canal (Photo issue de Gong et al., 2009) Photo de l'holotype Sinornithosaurus millenii (IVPP V12811) montrant les dents avec les sillons à venin (Photo de David Burnham)

Cependant, les conclusions de Gong et al. ont été fort critiquées par d'autres paléontologues. Tout en reconnaissant que certains dinosaures auraient pu être venimeux, ils réfutent les interprétations faites et leur reprochent de conclure trop hâtivement. Ainsi, le fameux sillon observé sur les dents de Sinornithosaurus apparaît également chez de nombreux autres théropodes, et même chez des animaux actuels parfaitement dépourvus de venin. Ces sillons permettent probablement à la dent de sortir aisément de la proie après la morsure. De plus le crâne a été écrasé et les dents sont probablement partiellement hors de leur alvéole. De même, la cavité censée abriter la glande à venin peut très bien être un sac aérien, puisqu'on sait que les théropodes en possédaient tous et que ces sacs allégeaient leur crâne; ou encore avoir une autre fonction. Ce pourrait même être un artefact : le spécimen aurait été endommagé lors de sa préparation d'après un paléontologue. Quant au canal à venin, son orientation est étrange, et il pourrait lui aussi être un artefact lié à la préservation. Enfin, l'article publié chez PNAS, très court, pèche par son manque de comparaisons, de mesures et l'exploration d'hypothèses alternatives. Cela aurait pu étayer les hypothèses de Gong et al. et leur fait cruellement défaut. En effet, rien ne vient appuyer les spéculations à propos du type de venin, de la technique de chasse. Aucune comparaison claire avec des animaux actuels n'est citée. Les auteurs établissent donc des scénarios sans fondements et ont clairement manqué de rigueur.

Reconstitution de Sinornithosaurus
Sinornithosaurus (© Michael Skrepnick)




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